Ysela et la première graine d’un rêve : une rencontre dans les bidonvilles de Lima
C’était en 2012. Moi, Pierre Charles de Faverges je débarquais à Lima avec des idées plein la tête, déterminé à contribuer, à ma manière, à un projet d’aide sociale avec les scouts et guides de France. Mon chemin m’a mené à San Juan de Lurigancho, un bidonville immense qui s’étendait à perte de vue, un labyrinthe de ruelles étroites et escarpées où la poussière se mêlait aux rires d’enfants et aux murmures des luttes quotidiennes. Ce quartier, souvent défini par ses défis (la drogue, la prostitution, la violence ) cachait en son cœur une humanité et une résilience que je n’oublierai jamais. Et c’est là que j’ai rencontré Ysela.
![Bidonvilles de Lima, San Juan de Lurigancho](https://static.wixstatic.com/media/924348_5a9b455ce789431d991da400feb58481~mv2.jpg/v1/fill/w_980,h_649,al_c,q_85,usm_0.66_1.00_0.01,enc_auto/924348_5a9b455ce789431d991da400feb58481~mv2.jpg)
Ysela, c’était une lumière dans un paysage souvent sombre. Son sourire contrastait avec l’aridité des murs fissurés et des toits en tôle qui formaient son univers. Elle vivait dans une maison modeste, à flanc de colline, là où les rues s’étaient transformées en chemins caillouteux. Cette maison, malgré son apparente fragilité, était un refuge. Les murs étaient ornés de dessins d’enfants, et dans l’air flottait l’odeur apaisante du pain qu’elle préparait chaque matin. Dès que je suis entré, je me suis senti accueilli, presque chez moi.
Ysela a écouté mon projet avec une attention profonde. Je lui parlais de mon envie d’aider les enfants du quartier, de leur offrir un espace sûr où ils pourraient échapper aux dangers omniprésents. Elle n’a pas seulement écouté, elle a compris. « Ici, les enfants ont besoin de voir qu’un autre chemin est possible », m’a-t-elle dit avec gravité. Elle s’est levée, a attrapé un carnet usé par le temps, et a commencé à dresser une liste : des noms, des familles, des besoins. Elle était prête à se battre à mes côtés.
Avec Ysela comme guide, j’ai découvert la véritable réalité de San Juan de Lurigancho. Ce n’étaient pas seulement les bidonvilles que je voyais : c’étaient les histoires, les espoirs, et la force des habitants. Elle m’a emmené dans des ruelles où l’insécurité se mêlait à une solidarité palpable. Ensemble, nous avons parlé avec des familles, écouté des récits souvent marqués par la souffrance, mais aussi par un courage admirable.
Nous avons lancé des activités pour les enfants : des ateliers de dessin dans un petit local prêté par un voisin, des jeux improvisés dans un terrain vague où les déchets avaient été dégagés la veille. Et petit à petit, des rires ont remplacé les regards méfiants. Les enfants, que l’on aurait pu croire brisés par leur environnement, retrouvaient une étincelle de joie. Les parents, eux aussi, commençaient à espérer.
Mais plus que tout, cette expérience m’a transformé. Ysela m’a appris l’humilité et la patience. Elle m’a montré que, même au milieu des bidonvilles les plus pauvres, il y avait de la dignité, de la beauté, et une richesse humaine inégalée. Elle m’a fait comprendre que ce que je donnais, aussi petit soit-il, pouvait planter des graines dans des cœurs. Et que ces graines avaient le pouvoir de faire naître des rêves.
Cette rencontre avec Ysela a été le début d’un voyage, au sens propre comme au figuré. Elle m’a donné envie de découvrir le Pérou au-delà des clichés, au-delà des cartes postales. J’ai compris que ce pays était un kaléidoscope d’histoires, de paysages, et de cultures, et qu’il méritait d’être exploré avec authenticité et respect.
C’est là, dans cette maison modeste, entouré par les rires des enfants et la détermination d’Ysela, que la première graine de Graine de Voyageur a été plantée. Ce projet, qui était encore un simple rêve, est devenu une mission : faire découvrir le Pérou dans toute sa profondeur, tout en tissant des liens humains aussi puissants que celui que j’ai eu la chance de créer avec Ysela.
Chaque fois que je repense à San Juan de Lurigancho, aux rues poussiéreuses, aux défis omniprésents, et à ce sourire lumineux d’Ysela, je sais que cette rencontre a changé ma vie. Et c’est ce changement, cette graine, que je veux partager à travers Graine de Voyageur. Parce qu’un voyage ne se mesure pas en kilomètres parcourus, mais en cœurs touchés.
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